samedi 24 novembre 2012

Écrire numérique...Antoine Compagnon.


Antoine Compagnon


Il paraît que j'écris "comme un 'numérique' ", c'est-à-dire avec une "spontanéité débraillée". Un lecteur me reproche certaines constructions dans une récente chronique: "C'est comme quand on se demande", ou encore: "et qu'on se dit que quand même". Le tout dans une seule phrase ! Faut-il que je batte ma coulpe?
D'abord, "c'est comme quand on" se trouve chez beaucoup de classiques, tels Bossuet: "C'est comme quand on vend de mauvais blé ou de mauvais vin, comme bon" ; Mme de Sévigné: "C'est comme quand on dit que Dieu s'est repenti" ; ou Voltaire: "C'est comme quand on vous dit, Êtes-vous enrhumées, Mesdames?" Au XXe siècle, Claudel chérissait cette tournure dans ses drames: "C'est comme quand on revient de l'enterrement et qu'il pleut à verse"; "C'est comme quand on sent que quelqu'un vous regarde sans relâche" ; "C'est comme quand on arrive dans un port inconnu après une longue traversée" ; "C'est comme quand on voyage la nuit et que l'on dort plus qu'à moitié." Sans oublier Feydeau, Edmond de Goncourt, Jules Renard, toutes références provenant du Trésor de la langue française ou de Google Books. Le tour de phrase est sans doute oral ; il figure dans des lettres, au théâtre, dans un roman naturaliste. La suite ici.

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