dimanche 30 mars 2014

C'est quoi un community manager?


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Nouveaux usages numériques: un défi pour les bibliothèques et les bibliothécaires. (Merci à Greg W).

Au cours de la matinée d’étude « Accès aux produits culturels numériques en bibliothèque : économie, enjeux et perspectives », organisée le 15 mai par Bibliomédias avec le soutien de l’Association des bibliothécaires de France et duBulletin des bibliothèques de France (voir l’article de Lionel Maurel dans ce dossier), Dominique Wolton, lors d’une présentation décapante et salutaire, nous a, une nouvelle fois, mis en garde contre les sirènes de la technologie. En simplifiant ses propos, nous retenons qu’il faut replacer l’humain au cœur des échanges, que la technique est un outil et non un objectif. Par ailleurs, il a rappelé que la numérisation en masse, puisque c’était le sujet de la matinée, et l’internet en général, qui permet à tout internaute d’accéder immédiatement à un volume considérable d’informations, constituent à la fois une utopie et une tyrannie. Journalistes et bibliothécaires doivent reprendre les rênes de l’information !

ENJEUX, MENACES, OPPORTUNITÉS

De l’autre côté de l’Atlantique, le Library Journal titrait son numéro du premier mai dernier sur l’« Univers parallèle de l’information 1 ». Mike Eisenberg y énonce ce que sont pour lui les enjeux, les menaces et les opportunités que représentent les mondes virtuels (type Second Life), les réseaux sociaux (type FaceBook ou MySpace), les PDA (type iPod, principalement) pour les professionnels de l’information et pour les bibliothèques. Pour cet enseignant de l’université de l’État de Washington, à Seattle, les bibliothécaires doivent s’appuyer sur ces outils ou plus largement sur les logiques d’usage qu’ils génèrent pour proposer aux usagers, particulièrement aux moins de trente ans, une information de qualité, éventuellement personnalisée qu’ils ne trouvent nulle part, sur le web ou ailleurs (mais ils ne le savent pas !). La suite ici

mercredi 26 mars 2014

La Génération Y, une classe d'âge façonnée par le net, Marie Boëton. (Contribution de Caroline D.)

Marie BOËTON, journaliste à La Croix / Revue ETUDES de juillet-août 2013.

            Se distraire, consommer, s’informer est désormais possible par un simple clic. Vivre connecté, télécharger de la musique en ligne, faire un exposé à partir de Wikipédia, poster ses photos sur Facebook, relèvent de l’évidence pour les digital natives. Nés entre le début des années 80 et le milieu des années 90, les 15-30 ans appartiennent à ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « génération Y ».


            Selon certains, le Y qui se prononce « Why » en anglais et signifie « pourquoi » renvoie à la remise en cause permanente par les 15-30 ans, des décisions prises par leurs aînés. « Ces jeunes ont le sentiment d’avoir réponse à tout en ligne. Dès lors, ils ne supportent pas les autorités autoproclamées. Ils veulent comprendre avant d’apprendre ou d’obéir » Olivier ROLLOT, spécialiste des questions d’éducation et auteur de « La génération Y » (PUF).
            Comment caractériser cette classe d’âge ? Si les générations précédentes ont été marquées du sceau d’un évènement historique (2 guerres mondiales, mai 1968…), les digital natives ont été massivement et durablement façonnés par Internet. .. La génération Y ne se résume, certes, pas à cela. Elle est marquée par la précarité affective et professionnelle de ses ainés. Elle se caractérise aussi par une forte défiance vis-à-vis des institutions. Mais ici nous nous intéresserons à la manière dont la révolution numérique a façonné cette classe d’âge.
            Le fait d’être entourés d’écrans et de vivre en permanence collectés au Net a en effet bouleversé les modes d’apprentissage des 15-30 ans, de même que leur façon de se socialiser, de se cultiver, de militer, etc.…  En quoi l’émergence d‘Internet – que certains présentent come aussi fondamentale que l’avènement de l’écriture ou l’apparition de l’imprimerie – fait-elle des digital natives, des élèves, des consommateurs et des citoyens différents ?

Mémoire versus inventivité.

            Avoir un écran pour compagnon de jeu depuis le plus jeune âge, tel est le sort des digital natives. Comment un tel environnement impacte-t-il le développement cognitif de l’enfant ? Selon les études de Olivier HOUDE – directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant à l’Université Paris-Descartes - , « Lorsque les élèves font face à un écran, ce sont souvent les parties postérieures du cerveau, les parties visuelle et sensorielle – en clair, l’intelligence élémentaire - qui sont activées…Ainsi les élèves sollicitent moins le cortex préfrontal, c’est-à-dire le lieu de la synthèse personnelle et de l’abstraction, mais on peut leur apprendre à la faire ! … D’où le rôle de l’éducation »
            De leur coté, les enseignants se plaignent surtout de la réflexion fragmentée de leurs élèves. Sur-sollicités, les adolescents ont tendance à vivre dans l’instantanéité et éprouvent plus de difficultés à se concentrer. Dans un ouvrage aussi polémique que commenté, «   Internet rend-il bête ? », le journaliste américain Nicholas CARR va jusqu’à prédire une baisse du QI des futures générations.
            Connectés en permanence à Internet, les digital natives renouvellent le rapport au savoir, eux qui ont réponse à tout en quelques clics sur Wikipédia. Cet accès à un flot infini d’informations bouleverse de fait, la mission de l’enseignant. Elle est bien révolue l’époque où ils étaient les seuls dépositaires du savoir….
            « Les cours magistraux « à l’ancienne » ne réussissent plus à capter l’attention des élèves. Ces derniers finissent par devenir très exigeants : ils veulent désormais faire en cours quelque chose qui n’a pas d’équivalent ailleurs, selon Denis KAMBOUCHNER, professeur de philosophie à Paris I... Conscients de cette évolution, certains établissements  du supérieur diminuent par exemple le nombre de cours en amphithéâtre. A l’université de CERGY-PONTOISE, dans les disciplines scientifiques, les cours magistraux  ont diminué au profit des travaux dirigés, ce qui permet aux enseignants  d’intervenir de façon individualisée auprès des étudiants. Il ne s’agit plus pour eux de délivrer un cours – qui peut désormais être mis en ligne – mais de s’adapter au rythme des élèves, d’aiguiser leur esprit critique, de les amener à remettre en perspective différents concepts.
            Parallèlement, de plus en plus d’écoles d’ingénieurs et de management organisent leur scolarité autour de projets. « Il arrive un moment où les étudiants prennent acte des compétences qui leur manquent pour mener à terme ces projets : c’est à ce stade que l’enseignant intervient et leur dispense le savoir qui leur fait défaut. On assiste alors à une inversion de la charge de la preuve : c’est à l’enseignant de démontrer son utilité » (Olivier ROLLOT).
            L’idée même d’acquisition de connaissances se trouve remise en question par les nouvelles technologies. En effet, pourquoi apprendre, pourquoi mémoriser si le NET se souvient de tout pour nous ? Si nous sommes tous dotés de ce vaste disque dur externe qu’est Internet, pourquoi ne pas plutôt consacrer tout son temps à la création ? Les adolescents sont les premiers à vouloir se décharger des tâches répétitives de mémorisation et laisser libre cours à leur inventivité. C’est le sens du propos de Michel SERRES, auteur de Petite Poucette,  ouvrage dans lequel il analyse le bouleversement provoqué par l’accès généralisé au savoir. « On a le cerveau vide, mais le vide du cerveau peur être libérateur… Il nous a rendus disponibles pour de nouveaux usages. Nous pouvons enfin nous concentrer sur l’intelligence inventive ».
            Tous ne nourrissent pas le même optimisme. Pour Denis KAMBOUCHNER : « Il est illusoire de croire qu’il suffit d’avoir accès au savoir pour savoir. Pour bénéficier de la richesse des informations disponibles sur le Net, encore faut-il avoir déjà en soi des structures intellectuelles prêtes à les réceptionner et à les remettre en question ». Faute de quoi, les jeunes générations risquent de rencontrer de réelles difficultés à raisonner par elles-mêmes.

Vers une « cyber socialisation »

            Si les 15-30 ans apprennent différemment, ils se socialisent différemment, ou plutôt ils se cyber socialisent. Les amitiés continuent de se nouer en milieu scolaire, mais elles se prolongent désormais en ligne sur les « chats », les réseaux sociaux ou via les blogs. Les digital natives développent une véritable identité numérique.  « Il s’agit pour eux d’être populaires : à la fois assez proches des autres pour être accepté et suffisamment singulier  pour être respecté », selon Olivier ROLLOT. Certains jeunes se racontent dans les moindres détails, d’autres se contentent de livrer leur humeur du jour, d’autres encore postent en ligne leurs vidéos et leurs musiques favorites, montrant ainsi à quelle tribu ils se rattachent. « L’utilisation des réseaux numériques incite au dévoilement de sa subjectivité et à une certaine mise en scène de soi-même » (Monique DAGNAUD). Dans son livre « Génération Y », elle précise : « Blogs et réseaux sont très éloignés de l’exploration intérieure conduite dans les Journaux Intimes ; les jeunes y travaillent davantage une projection de soi qu’une recherche d’explication de soi ; plus précisément, la réflexivité demeure mais l’internaute ne perd jamais à l’esprit que sa subjectivité va être publicisée et qu’elle doit être affinée sous un angle  original. Cette communication est donc en partie calculée ».
            Lees réseaux sociaux se trouvent eu cœur de cette écologie numérique. Et tout particulièrement le site américain Facebook, devenu le lieu d’expression privilégié des jeunes générations.  Etant avant tout un lieu d’échange et de partage, il permet aussi d’afficher son capital relationnel en diffusant sa liste d’amis (120 en moyenne).
            On aurait tort de voir dans cette « cyber sociabilité » une duplication des relations sociales nouées dans la « vraie » vie. Les échanges en ligne obéissent à d’autres codes communicationnels. Les internautes s’épanchent souvent beaucoup plus facilement qu’ils ne le font de visu. Pour des adolescents parfois mal à l’aise avec leur corps, Internet est devenu dans certains cas, un canal d’expression idéal. Non sans risque. Car si l’humour, l’hilarité et l’autodérision (le fameux esprit LOL –laughiing out loud, rire à gorge déployée) caractérisent les 15-30 ans, la moquerie tient une place de choix dans la culture jeune.
            Certains éprouvent une véritable excitation à l’idée de tourner autrui en dérision. Les plus malveillants peuvent se montrer particulièrement cruels. Leur jeu favori : repérer une victime en ligne, récupérer ses coordonnées personnelles, les diffuser sur la Toile et inciter ensuite les internautes à lui rendre la vie impossible. Confer l’affaire Jessi SLAUGHTER : en 2010, cette adolescente américaine volontiers mythomane, déclare en ligne avoir une relation amoureuse avec une jeune rock star. Ses propos sont immédiatement tournés en dérision. Après avoir crûment insulté ses détracteurs, la jeune fille se trouve victime d’une terrible vengeance des internautes. Son adresse est diffusée sur le Net. Les internautes lui font livrer des milliers de pizzas, à charge pour elle de payer les additions. Ils décident ensuite de faire passer son adresse pour un lieu de prostitution. La police a dû placer sa famille et l’adolescente sous protection pendant quelques mois.
            « L’effet de groupe et l’anonymat inhérents au Net encouragent la transgression. C’est un peu comme s’il délivrait de tous les codes sociaux. Par ailleurs, le fait de ne pas connaître la victime incite encore plus à la désinvolture » (Monique DAGNAUD).
            Peut-être est-ce cette même désinvolture qui amène les digital natives à dévoiler leur intimité en ligne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 82 % des 18-24 ans mettent en ligne leur date de naissance et 85 % leur identité, 7086 % y déposent des photos et 5 % vont jusqu’à indiquer leurs orientation sexuelles (enquête IFOP – 2010). Les murs servaient à délimiter et à protéger la vie privée de chacun ; le « Wall » de Facebook permet désormais de se donner à voir. Etonnant glissement sémantique !
            Alors que la CNIL mène une veille scrupuleuse pour empêcher tout fichage abusif des citoyens, les digital natives se dévoilent chaque jour un peu plus. Ils semblent ignorer qu’un jour leur futur patron « googelisera » leur nom avant de les recruter. Ils oublient aussi que les marketeurs se repaissent du flot de renseignements déversés quotidiennement en ligne.
            Les 15-30 ans finiront-ils par prendre la mesure des risques qu’il y a à exposer ainsi leur vie privée ? Sans doute. Mais reste à savoir quand. En attendant une telle prise de conscience, certains réclament la mise en place d’un droit à l’oubli sur le Net, et tout particulièrement au profit des adolescents. Le Défenseur des Droits, Dominique BAUDIS, souhaite au nom de la protection de l’enfance, que les internautes puissent faire disparaître des réseaux toutes les informations personnelles, mises en ligne lorsqu’ils étaient mineurs. La Commission européenne va dans ce sens ; les réseaux sociaux y sont pour l’heure farouchement opposés. Les parents des premiers concernés semblent étrangement en retrait sur ce sujet pourtant décisif. En réalité, la plupart d’entre eux se savent dépassés par leur progéniture sur le plan technologique. Plus grave, ils ignorent souvent l’usage que les plus jeunes font du Net.
            Il faut reconnaître qu’en l’espace de 20 ans, la vie familiale a connu de profonds bouleversements. Le temps passé en famille n’est plus un temps vécu avec la famille. Chacun vaque à ses centres d’intérêt. Il y a une vingtaine d’années, les adolescents regardaient la télévision dans le salon et monopolisaient la ligne téléphonique du foyer pour discuter entre amis. La donne a radicalement changé depuis : les digital natives téléchargent des films et les visionnent sur leur ordinateur personnel. Ils passent leur temps à échanger des SMS, au fond de leur chambre. Résultat : le pourvoir de filtrage des parents a fini par disparaître. La socialisation verticale (entre parents et enfants  a progressivement été supplantée par la socialisation horizontale (entre membres d’une même génération). Les « pairs » jouent désormais un rôle prépondérant… au détriment des pères.
            Les parents ne semblent pas s’en offusquer. Tout d’abord, parce que l’épanouissement de leurs petits prime sur le reste. Ensuite, parce qu’ils culpabilisent eux-mêmes de rentrer tard du travail ou d’imposer une garde alternée à leurs rejetons après un divorce. En clair, ils ne se sentent pas en position de force pour rejeter l’usage que leur progéniture fait du Net. De surcroit, pour Olivier ROLLOT, la plupart des adultes refusent délibérément de s’immiscer dans l’intimité de leurs enfants. « S’ils leur laissent autant de liberté, c’est aussi parce que, consciemment ou non, ils ne sont pas certains de posséder les codes du monde à  venir.  Ils ne veulent pas leur inculquer des vérités qui risquent d’être bientôt dépassées ».

« On ne vole pas, on partage ! »

            C’est sans doute dans la sphère des loisirs que les digital natives et leurs ainés peinent le plus à se retrouver. Un monde sépare les 2 générations, les « enfants d’Internet » et les « enfants de la télé ». Ces derniers continuent à plébisciter le petit écran quand les plus jeunes optent pour les films téléchargés et les séries en « streaming ». « Les 15-30 ans ont du mal à se plier aux règles de la télévision qui imposent d’être disponibles tel jour à telle heure pour regarder un programme. Ces jeunes tiennent à avoir une plus grande maitrise de leur temps libre » (Olivier DONNAT, sociologue)
            Internet bouleverse-t-il en profondeur les pratiques culturelles ? A-t-il fait émerger une culture générationnelle dépassant l’appartenance de classe ? Pas réellement. « Les usages d’Internet ont pris place dans des univers culturels qui préexistaient, sans modifier les centres d’intérêt » (Olivier DONNAT). En clair, on va chercher sur Internet, ce que notre milieu socioculturel nous prédestine à aimer.
            Internet a en revanche considérablement boosté la créativité. 74% des 15-20 ans ont une activité d’autoproduction sur ordinateur (photos, blogs, production de vidéos ou de musique). On ne peut pas parler d’œuvres au sens strict. La plupart des jeunes se contentent en effet de détourner des vidéos existantes pour les pasticher. Seule une minorité met en ligne des productions plutôt abouties dans l’espoir de gagner une petite notoriété. « Le Net stimule les expressions artistiques et rend poreuses les frontières entre la pratique artistique du pur loisir et la mobilisation d’un réseau en vue d’une carrière » (Monique DAGNAUD). Les techniques de numérisation – peu couteuses – et la généralisation de l’accès au Net ont radicalement démocratise la production et la distribution de contenus culturels. Résultat : la frontière entre amateurs et professionnels s’est progressivement brouillée, tout comme celle qui opposait consommateurs et producteurs de biens culturels.
            A force de diffuser gratuitement en ligne leur propre production, les digital natives ne voient pas la nécessité de rémunérer celle des autres. Ils s’adonnent d’ailleurs massivement au téléchargement illégal. 57% des 18-24 ans piratent de la musique (contre 18 % pour l’ensemble des Internautes). Près de 42% des 18-24 ans font de même avec les films (contre 13ù pour le reste de la population. Et ils ne semblent pas éprouver la moindre culpabilité. « On ne vole pas, on partage ». Le fait d’avoir fait perdre au secteur musical la moitié de son chiffre d’affaires ne les émeut guère. Consciemment ou non, les digital natives militent pour que les biens culturels deviennent des biens publics.
            Ils culpabilisent d’autant moins que ces biens sont totalement immatériels et immédiatement accessibles. Partir d’un magasin avec un DVD sous le bras est considéré comme du vol,  mais avec lé téléchargement, c’est différent ! Le fait que tout se passe en quelques clics rend ce vol presque virtuel à leurs yeux.                                                                                                                       
            En répétant « on ne vole pas, on partage », les 15-30 ans font preuve de mauvaise foi et ils le savent… On aurait tort toutefois de nier leur appétence sincère pour le partage. En témoigne leur engouement pour la colocation, le covoiturage, le coachsurfing… « Ils plébiscitent les sites de location de voitures, d’outils et même de vêtements de marque. A   leurs yeux, tous ces biens doivent circuler. Ils consentent à dépenser de l’argent pour des expériences immatérielles, comme les voyages, mais achètent de moins en moins des biens matériels, susceptibles d’être échangés ou partagés » (Olivier ROLLOT). … Partager plus que posséder, tel serait le leitmotiv des 15-30 ans…. Reste à long terme, deux inconnues. Cette propension au partage perdurera-t-elle au fil des temps ? Car, ne soyons pas dupes, elle s’explique aussi du fait de leur pourvoir d’achat limité. Qu’en sera-t-il dans quelques années, lorsque l’embourgeoisement aura fait son œuvre et lorsque l’apparition du confort matériel  se fera davantage sentir ? Le partage restera-t-il l’un des marqueurs sociaux de cette génération ? A voir.
            La question se posera de façon d’autant plus aiguë que les 15-30 ans aspireront eux aussi, un jour, en tant que salariés, à être rémunérés en échange du travail produit. Ces deux exigences  (partage, d’un coté, et rémunération, de l’autre) semblent, dans le système économique actuel, difficilement conciliables.

Seul mot d’ordre : le pragmatisme.

            Sur le terrain politique, les 15-30 ans surprennent aussi.  A la différence de leurs ainés, la génération Y ne défile pas, n’est pas guettée par la tentation d’un « grand soir », ni tentée par un look rebelle… »Elle porte indéniablement en elle de nouvelles valeurs, et donc une nouvelle société, mais sans que cela passe par un quelconque esprit de révolte » (olivier ROLLOT) Les 15-30 ans sont distants et circonspects vis-à-vis des grands discours idéologiques, des luttes syndicales et plus largement vis-à-vis des institutions. Une partie d’entre eux s’avère même franchement désabusée. Seuls 14% des 16-29 ans disent attendre quelque chose de la part du gouvernement, et 9% de la part des partis politiques.
            « Désenchantée » disent certains, « lucides » nuanceront d’autres. La génération Y peine en tout cas à croire à quoi que ce soit. Le contexte certes ne porte pas à l’optimisme. Contrairement au discours officiel qui leur est tenu depuis le plus jeune âge, Les 15-30 ans découvrent avec amertume que l’obtention d’un diplôme n’immunise pas contre le chômage, ni contre le déclassement social…. Au plan collectif, les raisons d’espérer se font rares. La soi-disant « fin de l’histoire » inaugurée par la chute du Mur de Berlin se révèle plus chaotique d’annoncée : ni la crise du capitalisme mondialisé, ni la montée de la xénophobie ne semblent pouvoir être enrayées. Autant de désillusions qui renforcent la défiance des plus jeunes vis-à-vis de leurs aînés, de l’école, de la classe politique et vis-à-vis des élites en général.
            En conclure que la génération Y se détourne de la chose publique serait pourtant hâtif. Les 15-30 ans s’impliquent dans la vie de la cité, mais différemment. Leur mot d’ordre : le pragmatisme. Ils ne croient qu’en ce qui marche et optent pour des projets ponctuels, des actions aux effets immédiats.
            Passés maitres dans l’art du buzz, du happening, voire du hacking, les digital natives renouvellent totalement la façon de se mobiliser. Ils boudent les bureaux de vote, mais font preuve d’une énergie et d’une créativité incroyables sur les réseaux sociaux. Le succès des manifestations des « Indignés », celle du collectif « Occupy Wall Street » ou les impressionnantes opérations lancées par les « Anonymous » en attestent. Les capacités d’auto organisation des Internautes fonctionnent, sans qu’il soit besoin de se doter d’un chef emblématique pour exister politiquement.
            Reste à savoir si ce type d’action se substituera à terme aux partis classiques. « Le Net est un outil idéal pour organiser un mouvement de réaction, mais construire un projet politique suppose aussi un engagement réflexif et une présence au long cours » (Monique DAGNAUD). En clair, les digital natives excellent quand il s’agit de dénoncer, mais cela ne suffit pas à changer la donne politique. Apprendront-ils à articuler dénonciation et construction d’un nouveau modèle de société ?
            Ce n’est là qu’une des nombreuses interrogations en suspens. Quel sera le devenir des 15-30 ans ? Quels salariés, quels parents, quels couples seront-ils ? Comment évolueront-ils avec la maturité ? Réponses dans quelques décennies.


             Ce qui est sûr, c’est qu’avec Internet, l’esprit critique des jeunes générations s’est considérablement aiguisé, affiné et amplifié. Ils se vantent de ne pas être dupes des slogans politiques, des discours formatés des dirigeants d’entreprises, des messages publicitaires. Ils aiment traquer les doubles discours (voire les contradictions) des personnalités en vue.Si cette lucidité peut être saluée chez des jeunes (aux quels on a tendance à reprocher l’immaturité), il ne faudrait pas qu’elle se meuve en méfiance systématique et qu’elle mine la confiance et l’espoir et l’assurance pour permettre de se construire… La jeune génération saura-t-elle conserver l’esprit critique qui la caractérise sans verser dans un cynisme stérile ? Tel est le principal risque qui la guette.          

lundi 24 mars 2014

Gober les Moocs?

Petite start-up deviendra grande. Ce qui n’était qu’un projet académique, Coursera, est devenu en à peine un an un business dynamique, d’envergure mondiale et à la croissance exponentielle, bref un de ces success stories à l’américaine dont la presse enthousiaste, abandonnant toute lucidité ou tout recul critique, s’empare avec gourmandise.
Les moocs, ces cours du futur, font rêver. Finis les vieilles universités aux murs défraîchis, les professeurs soporifiques, les amphithéâtres pleins à craquer et le vieux modèle « présentiel » : vive la modernité sur écran plat, l’université à haut débit et mondialisée, bref l’école enfin dématérialisée et ramenée à son essence de pur apprentissage.
La presse est à ce point dithyrambique avec ces pionniers du Far Web, cette révolution de l’enseignement, cette explosion des inscriptions, ce modèle d’excellence et en même temps de gratuité au service d’une démocratisation éducative à l’échelle du village global, que Coursera n’a guère besoin de publicité et se contente de recenser sur son site les articles les plus flatteurs.



Le pari des moocmakers

Que sont donc les moocs ? Nés aux États-Unis aux alentours de 2010, les moocs (massive online open courses) se définissent d’abord par leur public : sans restriction d’aucune sorte puisque ouverts à tous et sans limite physique puisqu’en ligne (même si matériel informatique et connexion Internet restent nécessaires), les moocs s’adressent à des publics d’une échelle jusqu’ici inconnue, un cours pouvant être suivi par des dizaines de milliers de personnes à travers le monde, voire davantage.
Les moocs se caractérisent ensuite par un enseignement entièrement dématérialisé, sans lieu physique ni relation humaine directe, à travers une plate-forme en ligne proposant des cours de niveau universitaire, fournis contre rémunération par les universités les plus prestigieuses, des vidéos et autres ressources pédagogiques, des forums de discussion, où les étudiants échangent et s’évaluent entre eux, et enfin des questionnaires en ligne : d’un point de vue technique, rien de bien révolutionnaire, en somme.
Les moocs présentent néanmoins une radicalisation de l’enseignement en ligne : le président de Stanford, John L. Hennessy, n’a-t-il pas prédit l’an passé la mort des salles de classe ? Il ne s’agit plus seulement d’apporter un complément aux cours dans les universités, mais – et malgré des dénégations prudentes – de les remplacer tout simplement, et cela avantageusement, bien entendu.
Reste à savoir à qui profitera cet avantage. La suite ici.

dimanche 23 mars 2014

Mise à jour par mail, correction de bug.

Bonjour, je viens de corriger un bug surprenant. La souscription aux emails de mise à jour renvoyait à l'ancien blog "Culture générale en BTS". il est préférable de souscrire à nouveau, vous ne recevrez aucune mise à jour d'un blog qui n'existe plus. Le lien qui active définitivement la souscription atterrit très souvent dans les courriers indésirables, il vaut mieux vérifier. Le message initial, en anglais, émane de Feedburner EMail Subscription. Il suffit de cliquer sur le lien. ;)  

samedi 22 mars 2014

Trendsetter, influenceur, pourquoi les réseaux sociaux donnent-il aux adolescents de fortes envies de consommation...

MAIS AU JUSTE, QU’EST CE QU’UN INFLUENCEUR ?  ET POURQUOI LES MARQUES DOIVENT-ELLES BEL ET BIEN MISER SUR EUX ? LES INFLUENCEURS SONT DES AMBASSADEURS D’UN NOUVEAU GENRE, CONNECTÉS BIEN SUR ! PARCE QU’ÉVIDEMMENT POUR ÊTRE INFLUENCEUR, IL FAUT ÊTRE EN PLACE ET DANS LA PLACE. ET LA PLACE, VOUS L’AUREZ COMPRIS, CE SONT LES RÉSEAUX SOCIAUX.



En quelques mots, un influenceur est donc un leader de communautés qui a une forte activité digitale. Un relais d’opinions, plus par ses idées que par son image. Les qualités d’un bon influenceur sont facilement mesurables, rassurant ainsi les marques qui pourront alors prendre des décisions rationnelles sur le montant de l’investissement qu’elles consacreront au marketing d’influence. Ainsi l’activité d’un influenceur est elle déterminée par trois critères :

- L‘écho ou la capacité de faire bouger les opinions et créer des réactions sur des sujets précis
-  L’exposition ou le potentiel d’audience sur une thématique
-  La part de voix ou le niveau de participation dans la conversation sur un sujet donné.

Pourquoi les marques ne peuvent plus se passer des influenceurs ?

La réponse est simple. Les influenceurs (pour la plupart) ne sont pas des journalistes mais bien des consommateurs comme les autres. Si ils ne vérifient pas comme les journalistes les informations que les marques peuvent leur transmettre, leur parole est pourtant plus crédible. Ils sont jugés par les cibles acheteuses comme leurs pairs. Alors tout bonnement, on les écoute, on converse avec eux, on suit leurs recommandations. Plusieurs indications permettront aux marques de mesurer les retombées de leurs investissements :

-le nombre de mentions dans les média sociaux et les blogs
-le nombre de partage de leurs contenus
-et bien sûr, l’augmentation de leur trafic web

Très clairement, le marketing d’influence prend de plus en plus de place dans les stratégies de communication des marques. Mais attention, pour être performant, le marketing d’influence doit respecter un certain nombre de règles et de règles digitales. Il ne s’agit pas là de penser RP, communication ou marketing. Il devient nécessaire de miser sur des approches plus globales, expérientielles, fortes en contenus, il devient nécessaire de mettre en place des stratégies d’amplification dont le marketing d’influence fait partie.
(Texte: C'est comme une agence, agence de publicité "connectée"...)

Conversation, conversations...

Merci à tous pour l'accueil réservé hier soir et les passionnantes discussions qui ont suivi. Avec les responsables de l'APEL, nous avons assez longuement discuté de la conversation sous ses formes modernes et nous nous demandions quelle place elle avait dans le monde connecté...Quelques aperçus, quelques idées, ici...


"Charmante mais difficile escrime" ! ainsi Guy de Maupassant définissait-il l'exercice de la conversation. Tout un art, dont il a été question ce mardi 16 avril 2013 au Mona Bismarck American Center for art & culture, à Paris.
Car au XXIème siècle, c'est sur du beau parquet, entre grands miroirs, cheminée d'époque et fauteuils capitonnés, que certains ont voulu s'inscrire dans une longue tradition d'un art de la conversation à la française. L'occasion d'interroger la place des échanges oratoires dans nos quotidiens étourdis par Internet et son convoi de nouvelles technologies.
Pour autant, Emmanuel Godo (auteur d'une histoire de la conversation, Lillois et ancien professeur au lycée Pasteur d'Hénin Beaumont...) regrette que ces imaginaires salonniers fassent de la conversation un exercice "un peu écrasant", et se dit peiné par les discours nostalgiques qui lui sont associés : "Cela me paraît un peu réducteur, car il me semble que toute époque rêve la conversation, toute époque a un désir de conversation, et la nôtre comme toutes les autres. La conversation n’est pas derrière nous, elle est devant, comme un horizon, et je trouve ça très stimulant."
Quatrième de couverture du livre; La conversation, «cette charmante mais difficile escrime» dit Maupassant, est à la fois ténue et essentielle. Fascinante, elle oscille entre le vide du babillage et l'ambition la plus noble - celle d'établir, entre les êtres, une relation parfaite, toute de distance respectueuse et de proximité/ sensible, d'attention et de légèreté, de sérieux et de désinvolture. C'est pourquoi la littérature ne cesse, depuis l'Antiquité, de la courtiser. Extraordinaire et discret contre-pouvoir, la conversation s'élève parfois, avec une modestie qui lui coûte d'être considérée comme insignifiante, vers les plus hautes espérances: celles de voir s'accomplir, entre les hommes, cette communauté qu'on dit introuvable.De Platon à Proust, de Montaigne à Sarraute, de Plutarque à Lydie Salvayre, ce livre retrace, pour la première fois, l'histoire de la conversation, cet art de parler et de vivre qui souvent sombre dans la mondanité vaine mais qui parfois se fait, accord musical, dévoilement confiant, utopie entrouverte des visages radieux.

vendredi 21 mars 2014

Les Moocs déjà des difficultés, de 56 à 76 % d'abandons.


Université de San José...

Les massive online open courses, cours en ligne... ça ne marche pas sans accompagnement humain...




La E réputation...

Elle est brune, classe et lasse. Dans un café parisien, elle raconte, sous couvert d'anonymat, ce qui lui pourrit la vie depuis huit ans : un blog ! Sophie (appelons-la ainsi) avait 20 ans à l'époque et revenait d'un camp de jeunes. Pour continuer la fête, l'un d'eux crée un blog, où chacun met ses commentaires. Au fil des semaines, le ton bascule, les allusions salaces se multiplient. « Quand je tapais mon nom sur Google, ce blog apparaissait en premier avec ces commentaires. Cela me mettait mal à l'aise. Du coup, j'ai fait l'autruche, je n'ai plus regardé... » Des années passent. Un jour, un client de la banque où Sophie travaille lui conseille de « googliser » à nouveau son nom. La jeune femme, stupéfaite, découvre que le ton du blog a durci : en première ligne, elle voit, assorti d'invectives, « Sophie L. brise les couples de ses copines en allant rejoindre leurs mecs à l'autre bout du monde. » Ce n'est plus un ex-copain de camp qui écrit, mais un anonyme : « Entre deux inventions dégueulasses, il donnait des ren­seignements sur ma vie d'adulte – séparation avec mon copain, etc. ! Je me suis sentie salie, épiée, insultée. Qui, dans mon entourage, pouvait me haïr à ce point ? Je travaille en open space, j'avais des soupçons. A chaque fois que je rencontrais quel­qu'un, je me demandais s'il avait vu. Aujourd'hui, tout le monde "googlise" tout le monde. » La suite ici.



L'addiction aux jeux? Complexe et marginale selon Tristan Vey.

Les spécialistes préfèrent parler de «jeu excessif» ou d' «usage abusif» plutôt que de dépendance. Seuls les jeux en ligne recréant de véritables univers parallèles peuvent mener à des comportements pathologiques, en particulier chez les jeunes.

Peut-on devenir accro aux jeux vidéo? Le comportement de personnes qui passent parfois plus de dix heures par jour devant leur écran à triturer manette ou clavier pourrait le laisser croire. Toutefois, à l'occasion d'un séminaire sur l'addiction et la régulation dans le monde des jeux vidéos organisé par le Centre d'analyse stratégique, médecins et chercheurs spécialisés du domaine ont été unanimes: les cas de jeu excessif sont rares et ne relèvent pas, quelle que soit sa définition, de l'addiction. Ni l'American psychatric association, ni l'OMS ne font d'ailleurs référence pour le moment à une quelconque «dépendance au virtuel», contrairement à ce que l'on pourrait penser en parcourant les médias. Cette notion d'addiction, très complexe, ne relève toujours pas d'un consensus scientifique. Le débat autour de ce sujet est donc très riche.

Mark Griffiths, professeur de psychologie à l'université de Nottingham et grand spécialiste mondial du sujet, est un des premiers à avoir tenté de définir en 2007 six critères objectifs afin de caractériser cette addiction particulière: prépondérance de l'activité, modification de l'humeur, repli sur soi, génération de conflits, phénomène de rechute, augmentation irrésistible du temps consacré au jeu. Sa définition, commode et intuitive, a l'avantage de permettre des statistiques. Au cours d'une étude rassemblant plus de 7000 joueurs réguliers, des jeunes pour la plupart, le chercheur anglais n'en a toutefois trouvé aucun remplissant l'intégralité de ces six critères. Parmi ces joueurs à risque, seuls 12% présentaient au moins trois de ces «symptômes».

Le chef du service de toxicomanie de l'hôpital Marmottan, Marc Valleur, privilégie de son côté une définition clinique de l'addiction basée sur l'incapacité du patient à réduire volontairement sa consommation alors qu'il le souhaite. Celle-ci ne s'oppose pas frontalement aux vues de Griffiths, mais offre une approche complémentaire:

En dépit de l'absence de données épidémiologiques, un profil du joueur abusif se dégage des observations cliniques. Bien que les éditeurs de jeux vidéo n'aient de cesse de rappeler, à juste titre, que les femmes jouent de plus en plus et que l'âge moyen des joueurs est en constante augmentation, Marc Valleur constate en effet que sur les 247 personnes reçues en consultation à Marmottan depuis 2004 parce qu'elles voulaient réduire leur consommation de jeux vidéo, 237 étaient des adolescents ou de jeunes adultes mâles. Par ailleurs, la quasi-totalité des usages pathologiques avérés sont liés à un seul titre: World of Warcraft (WoW). Ce jeu en ligne est un univers virtuel dans lequel des millions de joueurs participent simultanément, sous les traits de leur avatar, une véritable seconde vie. Sa popularité et son potentiel addictif viennent de là. Le danger représenté par ce type de jeu ne doit pas faire condamner par avance les milliers d'autres jeux «inoffensifs» existants, préviennent unanimement les spécialistes.
Marc Valleur n'est d'ailleurs pas alarmiste. D'après lui, les 247 cas extrêmes reçus à Marmottan ne sont pas grand chose au regard des centaines de milliers de joueurs français enregistrés sur WoW et des nombreuses sollicitations de parents inquiets. Il serait pour cette raison erroné de dire que les adolescents font face, dans leur ensemble, à un péril ludique comme cela est souvent suggéré. Le constat est appuyé par Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste et docteur en psychologie, spécialisé dans les nouvelles technologies. Ce dernier a constaté que le temps de jeu qui augmente au cours de l'adolescence, diminue peu après et se trouve considérablement réduit au moment du passage aux études supérieures ou à l'entrée dans la vie active.
Les neuroscientifiques ont par ailleurs montré ces dernières années que la capacité des adultes à résister à leurs impulsions est un mécanisme neuronal qui se construit pendant l'adolescence, explique Serge Tisseron. L'incapacité de l'adolescent à s'empêcher de jouer ne révèle donc pas une addiction à proprement parler:

L'un des plus célèbres créateurs de jeu français, David Cage, rappelle lui aussi qu'il ne faut pas confondre cause et effet. L'usage abusif «n'est pas un problème du jeu vidéo, mais un problème de l'adolescence, dont le jeu est une conséquence». Mark Griffiths va encore un peu plus loin en rappelant que l'aspect chronophage du jeu n'est pas forcément négatif. «J'ai vu des jeunes qui m'ont dit préférer passer 4 à 5 heures par jour à jouer plutôt que de boire ou de se droguer.» Une manière provocatrice de rappeler que les bénéfices sociaux du jeu vidéo sont peut-être plus importants que ses dangers. Même si ces derniers polarisent plus souvent l'attention.

Soin de soi dans l'environnement numérique



L'infosphère constitue notre nouvel environnement existentiel. Elle est le médiateur des interactions avec le monde, « derrière » les systèmes sensoriel et moteur. Pour parler avec un autre humain j'utilise des organes naturels, ceux de la voix et de l'ouïe, éventuellement complétés par la vue, les comportements gestuels produits et perçus, etc. Mais cette sphère de médiation avec le monde et les autres intègre maintenant un lien numérique, via un micro et un clavier, un écran, et de nombreux objets numériques intermédiaires. Même la conversation "présentielle" (dans la vie réelle) est médiatisée par l'infosphère, car c'est le plus souvent par la mise en contact de nos infosphères que nous avons organisé la rencontre "physique" qui nous permet de discuter, et cette conversation aura probablement des suites dans l'infosphère : un sms de remerciement, un mail de suite pour avancer sur un projet, une actualisation sur un réseau socionumérique, ou l'organisation dans l'infosphère d'une autre rencontre dans le monde physique. La proximité des autres, et notamment de ceux qui nous sont chers ou importants, à quelque titre que ce soit, est médiatisée par l'infosphère. La proximité vécue dans et par l'infosphère est profondément humaine. La suite ici.



Philosophie Magazine et le Smartphone.




Philosophie magazine. Dossier captivant.


Le scan des articles consacrés à l'apprentissage moderne est disponible. Écrivez moi.



Espionner son enfant?

Plus on interdit, plus l’autre veut franchir cet interdit. C’est logique. Au lieu d’interdire son indépendance croissante, créez un lien concret avec votre enfant. Prévenez le des dangers de l’Internet, car ils existent. Mais faites lui confiance ! Il peut également apprendre en faisant des erreurs. Il faut instaurer un climat de confiance pour que l’enfant vienne vous parler en cas de problème.

Des remparts contre la dérive

Il est nécessaire d’instaurer un cadre : pas de photos dénudées, pas de propos racistes, pas d’insultes. Comme dans la "vraie vie" finalement. On respecte les usagers de Facebook comme on respecte les gens au quotidien dans la société. Dites lui que vous connaissez l’existence de son profil sur Facebook, que vous lui faites confiance et que vous êtes à sa disposition s’il en ressent le besoin. Discutez, par exemple, des faits d’actualités liés à Internet.

Récemment, il y a eu le suicide d’une jeune fille de 15 ans, au Canada, Amanda Todd. Elle était harcelée quotidiennement sur Internet depuis 3 ans à cause d’une "erreur" commise à ses débuts sur Facebook, une photo dénudée envoyée à un inconnu qui lui faisait du chantage. Personne n’est venu à son secours malgré de nombreux appels au secours. Par contre, sa vidéo d’adieu/suicide a été consultée 9 millions de fois... Cherchez l’erreur.

L’adulte doit toujours être présent pour l’enfant en cas de problème. Il doit garder sa place de parent, de poseur de limites, de conseiller et en aucun cas devenir un ami, qu’il soit virtuel ou non ! Mais surtout, il ne doit jamais se transformer en "flic" à l’insu de l’enfant, sinon, c’est au risque de provoquer un divorce enfant/parent, aux conséquences parfois très graves.

Première à la fac de médecine de Lille: 600 étudiants planchent sur tablette tactile!


« Ceux qui ne sont pas connectés, levez la main ! », risque un surveillant. Il est presque 15h. Dans quelques instants, il va falloir plancher sur trois études de cas et un questionnaire à choix multiples (QCM), entre neurologie et neurochirurgie. Mais la priorité des futurs praticiens n’est pas de savoir si la cartouche d’encre de leur stylo-plume est bien remplie, mais si la connexion de leur tablette numérique est bien établie. Pas à internet bien sûr, mais à un serveur sécurisé qui va leur délivrer, dès le top départ, des épreuves à faire défiler du bout des doigts, sur l’écran tactile.
« On est de cette génération-là, confirme sereinement Julie, 20 ans, juste avant de plonger dans l’effort pendant deux heures et quart. Ça ne provoque ni inquiétude, ni stress supplémentaire. » « C’est même plutôt agréable », poursuit Vincent, 21 ans, son proche voisin. Surtout que ces partiels version 2014 fonctionnent déjà ainsi depuis lundi : cardiologie, endocrinologie, nutrition, gynécologie, obstétrique… et neurologie ce jeudi. «Pour les études de cas, on leur propose un récit, une histoire, explique le professeur Dominique Lacroix, vice-doyen, chargé de la pédagogie. Il leur faut analyser des symptômes, on les amène à un diagnostic, qu’il faut confirmer, qui doit déboucher sur un traitement, un pronostic… Comme dans la vraie vie. » Suite ICI.


E Reputation, Manager la réputation à l'heure du digital.


La e-reputation consiste à gérer la réputation de son identité ou de sa marque sur Internet, que l'on soit une entreprise, une organisation ou un individu. Tout forme d'organisation privée ou publique qui acquiert une certaine notoriété dispose d'un actif réputationnel qui peut générer de la valeur. Le concept de réputation est antérieur à l'émergence d'Internet, mais le développement du web social lui donne une dimension nouvelle en proposant de nombreux  espaces où les internautes peuvent exprimer leur opinion. Ces expressions multiples et référencées créent des images qui elles-mêmes constituent la ou les réputations de la marque. Illustré de nombreux exemple, cet ouvrage donne des clés pour comprendre comment se crée ou se détériore l'actif réputationnel, pour évaluer la réputation de sa marque et la gérer, pour anticiper les risques réputationnels et connaître les outils et les méthodes disponibles  pour manager sa répuation.
Sommaire Introduction : La réputation à l’heure du digital. Les facteurs contribuant à l’évolution de la gestion de la réputation. Les systèmes de réputation. Les acteurs de l’e-reputation. L’évaluation de l’e-reputation. L’impact du digital sur les risques. La gestion de l’e-reputation (produit, people, corporate). L’impact du digital sur la gestion de crise. Conclusion et perspective

Surveiller et mentir?


Antonio Casilli, les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité?

INTRODUCTION : Qu’un sociologue s’occupe de réseaux numériques paraît aujourd’hui tout à fait légitime: les enjeux de société des technologies sont manifestes. La consommation, l’éducation, la santé publique, les équilibres politiques, les marchés financiers – voilà bien des secteurs qui ont été révolutionnés par les progrès récents de l’informatique et de la communication en ligne. Cependant, ce qui à présent s’offre comme une évidence n’en était pas une à la fin des années 1990, au moment où je commençais mes recherches dans ce domaine. La France, incontestablement, s’était très tôt dotée d’un cadre théorique cohérent pour comprendre l’impact des usages numériques sur la société. Il était contenu dans le rapport sur l’«informatisation de la société» sollicité par l’administration Giscard d’Estaing. C’était avant le Minitel – et bien avant le Web. Afin d’éviter l’«explosion incontrôlée de conflits culturels» et la «perte d’autonomie nationale» que les ordinateurs auraient pu produire, les rédacteurs du rapport recommandaient d’intégrer tous les projets liés à l’informatique au «pôle étatique des télécommunications »

D’où le fait que, pendant longtemps, mon sujet a semblé être le monopole exclusif des ingénieurs et des technocrates. Il y a dix ou quinze ans, les chercheurs qui, comme moi, avaient opté pour une approche sociologique des technologies informatiques devaient faire face au scepticisme ambiant. Dans les universités, dans les laboratoires de recherche, les collègues ne cachaient pas leur perplexité. Le front crispé, la bouche entrouverte dans une expression de désapprobation incrédule, ils répétaient: «Qu’est-ce que la sociologie a à voir avec les réseaux numériques?» Bien sûr, je m’empressais d’expliquer: il y a un Internet d’information, où l’on recherche les meilleurs prix pour les billets de train, où l’on vérifie les horaires des séances au cinéma. Mais il y aussi un Internet de communication. C’est l’espace où l’on échange des mails, où l’on chatte avec ses amis, où l’on partage de la musique et des photos avec des inconnus. Et cette communication est, justement, un fait social, assisté et façonné par les ordinateurs. Mais à cette époque, le message passait mal. Numérique ne rimait pas avec sciences humaines et sociales. Jacques Chirac, avec son proverbial «pour l’ordinateur, y a qu’à cliquer sur un mulot!», n’était que l’un des innombrables hommes politiques affichant leur ignorance informatique comme une médaille de l’Académie des Lettres. Dans l’enseignement supérieur, les choses n’allaient pas mieux. Les professeurs insistaient sur le fait qu’il était plus important d’«apprendre à pénétrer la pensée de Platon, que de perdre son temps à se laisser apprivoiser par l’idéologie de Bill Gates». Dans les journaux, les intellectuels, débordants d’appréhension, s’interrogeaient sur le destin de leurs livres «Þdans un univers de dématérialisation de l’écrit», régi par «le banquier, l’industriel et l’électronicien». L’heure était au scepticisme ou à la condamnation sans appel. «Internet?, tonnait Paul Virilio à la radio, cette technologie mal maîtrisée peut être aussi dangereuse que les chemins de fer» (Et l’insigne cyber-censeur de rappeler que c’était grâce aux chemins de fer que les armées du Kaiser avaient pu envahir la
France en 1914!) Bien sûr, certaines initiatives révélaient au contraire un intérêt pour la dimension socialisante de ces nouvelles technologies: les publications scientifiques comme Réseaux ou Hermès, les groupements de recherche comme le département d’Hypermédia de l’université Paris 8, les expériences artistiques comme La Revue virtuelle voulue par Jean-Louis Boissier au Centre Pompidou ou les initiatives qui s’inscrivaient dans le débat social sur l’informatique et les libertés, à l’image de la revue Terminal. Mais malgré leur présence et les voies qu’elles ouvraient, pour moi et pour les chercheurs – encore peu nombreux – s’intéressant aux dimensions sociales des technologies de l’information, cette époque restera celle de la méfiance. C’était pour dissiper les doutes – les miens comme ceux des autres – que j’avais pris pour habitude de citer Will F.Jenkins, auteur, en 1946, d’un récit intitulé Un logique nommé Joe. L’imagination de l’écrivain avait baptisé «logique» une machine qui, à l’époque, était encore loin d’être inventée: le micro-ordinateur domestique. Un simple écran branché à un clavier où «vous tapez ce que vous voulez». Vous avez envie de regarder les émissions d’une chaîne télé, de parler avec une copine en connexion visiotéléphonique, de connaître la solution à un obscur problème de physique? Le logique vous livre tout cela dans l’intimité de votre maison. Le protagoniste de l’histoire, dont l’auteur ne fournit pas le nom, est un ouvrier. Un bon père de famille, un type carré et un tantinet macho, qui s’occupe de l’entretien des logiques. C’est lui qui découvre que, par un hasard de fabrication, l’un d’entre eux (auquel il octroie le sobriquet de «Joe») commence à répondre avec trop de zèle aux questions que ses utilisateurs lui posent. «Comment inventer une machine pour le mouvement perpétuel?» Mais aussi: «Comment tuer ma femme?» Ancêtre de Google, Joe collecte les informations en ligne et répond à tout avec impartialité. Les implications sont catastrophiques. Soudain, l’économie risque de s’effondrer sous l’impact des fraudes bancaires réalisées par des spéculateurs improvisés. La vie politique est bouleversée par les milliers de citoyens lambda qui consultent Joe pour mettre en place leur communauté idéale sans se soucier de savoir si l’utopie ne va pas tourner au cauchemar. L’Éducation nationale est anéantie quand les enfants comprennent qu’ils peuvent accéder, sans le contrôle de leurs enseignants, à des contenus qui traditionnellement étaient réservés à un public adulte. Les familles explosent quand les épouses jalouses s’inquiètent («Est-ce que mon mari m’est fidèle?») et reçoivent des éclaircissements par trop circonstanciés sur les faits et gestes de leur conjoint. Un demi-siècle avant Youtube, Skype et Wikipedia, Will F.ÞJenkins avait prédit cette société où les réseaux enregistrent et diffusent tout, de la météo aux conversations d’amour. Il avait aussi annoncé nos inquiétudes quant aux effets possibles sur les institutions, les occupations humaines, les équilibres politiques. Si ce récit s’était limité à anticiper (grâce à une part de chance assurément) une innovation technique, on aurait pu le classer parmi les curiosités littéraires et l’oublier rapidement. Mais il faisait beaucoup plus que cela. Il suggérait que la société en réseaux pouvait être lue comme un espace social où des corps interagissent pour créer des liens de coexistence. Je crois qu’en effet c’est à l’aune de ces trois facteurs qu’il faut peser les conséquences des technologies numériques. L’avènement de Joe impose tout d’abord un nouveau rapport à l’espace. Ce qui auparavant relevait du privé est désormais exposé dans l’espace public, et inversement. Moyennant une petite recherche nominative, on apprend qu’un collègue est un escroc, que le voisin de palier a des antécédents judiciaires pour violences conjugales, qu’une amie ment sur son âge. De même, les distances rétrécissent. Ce qu’on croyait éloigné se rapproche abruptement. La blonde Laurine, resurgie du passé de célibataire de notre protagoniste, débarque en ville. Après avoir tué un mari et divorcé de quatre autres, la femme fatale est décidée à reprendre possession de son ex-amant. Une brève recherche dans l’annuaire en ligne, et la voilà qui apparaît sur l’écran de celui qu’elle s’obstine à appeler «mon petit canard».
Et cet homme, qui jusque-là était décrit comme un gaillard au tempérament combatif et à la constitution solide, se trouve pris au piège de son ancienne maîtresse et des sobriquets animaliers dont elle l’affuble. Dans la conversation télématique, il est assimilé à de la volaille et révèle un autre côté de son être: il est sensible, intimidé, asservi. Il traverse des changements profonds, présente d’étranges symptômes: «Je sentais que j’allais m’évanouir. J’étais au bout du rouleau. Je me sentais comme un boxeur sonné. J’avais tous les malaises du monde. J’avais froid aux pieds.» La nouvelle donne technologique ne bouleverse pas seulement les espaces, mais le physique même des acteurs.

Bien au-delà des simples questions d’ergonomie, les communications assistées par les ordinateurs ont des retombées importantes sur la manière dont les utilisateurs vivent leur corps. Après l’espace et le corps, c’est aux rapports sociaux d’être altérés par Joe. Incontournable, l’ordinateur s’impose en modérateur et filtre les rapports humains. Au fil de l’histoire, le protagoniste arrête progressivement d’intervenir sur les relations problématiques. En revanche, il intervient sur le moyen technique. Des connaissances commencent à fouiner dans sa vie privée par voie informatique? Au lieu de les réprimander, il a recours à un logique pour leur rendre la pareille. Son ex-maîtresse le harcèle télématiquement? Au lieu de chercher à la raisonner, il coupe la connexion vidéo avec elle. La ville tombe dans le chaos? Au lieu d’œuvrer à sa réorganisation, il débranche Joe et fait croire à sa destruction accidentelle. En résumé, il ne guérit plus ses relations sociales. Il prend, à chaque fois, des décisions d’ordre technologique. Les solutions informatiques deviennent des solutions sociales.
Aujourd’hui encore, ce petit récit délicieusement anticipateur peut inspirer un programme de recherche complet, permettant d’évaluer la portée historique et les changements socioculturels induits par les réseaux numériques. Des tout premiers terminaux Minitel aux services de networking actuels, les communautés d’usagers se sont pensées comme des espaces hybrides – à la fois publics et privés – où les individus peuvent mettre en scène leur présence physique d’une façon originale et entretenir un lien social basé sur leurs actions et leurs échanges informatiques. Espace, corps et lien social: c’est sur ces trois axes que l’analyse des sociabilités numériques s’articulera dans les chapitres qui suivent.

Il sera tout d’abord nécessaire d’expliquer comment la culture du numérique s’est faite porteuse d’un nouveau rapport au territoire. Ce rapport prend en compte un fait fondamental: depuis les années 1980, les ordinateurs sont installés dans les maisons des particuliers, qui en font un usage ludique ou personnel. C’est avant tout l’espace privé qui a été transformé par les technologies numériques. De là, à travers les réseaux, elles ont forgé un espace public d’expression. «Blogosphère», «cyberespace», «communautés virtuelles»: à une réalité urbaine polluée et violente,
la culture des ordinateurs oppose une zone franche d’information pure, située derrière les écrans. Ce livre s’attache par la suite à montrer comment habiter ce nouvel espace. Loin des prophéties simplettes d’«adieu au corps», dans les lieux des échanges numériques c’est l’identité somatique de l’usager qui est constamment mise en avant. Les photos dans les sites de partage, les avatars dans les jeux vidéo sont autant de traces de la présence en ligne des internautes, qui s’en servent pour entreprendre une quête de soi passant par la quête d’un corps idéal. En toile de fond, on devine les attentes et les craintes dont le corps est porteur au sein de nos sociétés. «Assurer», «être performant», mais aussi encourager la participation, entretenir le lien avec les autres. C’est donc dans la dernière partie que les problématiques concrètes de la coexistence assistée par les ordinateurs sont explorées. Les réseaux promettent de satisfaire des aspirations primordiales à l’amitié, à l’amour, à la reconnaissance. En même temps, ils s’engagent à ne pas enfermer les individus dans des relations établies. Au sein de ces petits mondes branchés les rôles semblent toujours reconfigurables d’un simple clic de souris. Les liaisons numériques sont traversées par une envie contradictoire: construire une sociabilité forte basée sur des «liens faibles». Liens, justement – ceux sur lesquels la sociabilité en ligne se fonde et ceux qui m’unissent aux personnes qui ont rendu possible cet ouvrage. Son contenu puise dans la vie des individus que j’ai côtoyés tout au long de mes enquêtes de terrain et de mes observations ces dix dernières années. Mais c’est aussi une tranche de ma propre biographie. Avant tout, le sujet de cette recherche s’est imposé comme un fait de mon vécu. Pour des raisons générationnelles, par les lieux que j’ai traversés, je me suis trouvé au coeur de la culture du numérique. Le passage de ma fascination d’adolescent pour les micro-ordinateurs et les jeux vidéo à la connaissance des milieux des révoltés du clavier, des cyberpunks européens, des hackers, de la cyberculture américaine, des réalités des pays émergents d’Asie et d’Amérique du Sud s’est fait durant les voyages qui ont jalonné mon parcours de chercheur. Avant même de le passer au prisme de l’analyse sociologique, j’ai vécu l’avènement de la société en réseau à la première personne. Les interviews que j’ai réalisées avec des blogueurs, des gamers, des membres de communautés virtuelles dans le cadre de ma thèse de doctorat ou de mes recherches successives ont également été une manière de remettre en ordre mes propres expériences. Les comptes rendus d’autres rencontres plus inhabituelles encore (avec des artistes qui se font installer des oreilles électroniques, des adeptes du sexe virtuel, des gourous de la militance en ligne) permettent de toucher du doigt certains des changements les plus drastiques de notre époque. C’est pourquoi, tout en restituant l’épaisseur historique de mes observations, la matière de ce livre reste une matière vivante. Et c’est cette vitalité que j’ai cherché à restituer dans les pages qui suivent, tant dans les passages analytiques qu’à travers l’évocation d’épisodes tirés des terrains d’enquête, de conversations avec des collègues et des camarades qui m’ont aidé dans la collecte de données. Pour relever le défi d’une analyse globale du phénomène des sociabilités numériques, il était nécessaire également de recourir aux travaux d’autres chercheurs. Ce livre est aussi une manière de relater leurs recherches. La visibilité de services de réseautage tel Facebook, des systèmes de partage des expériences et des opinions personnelles comme Twitter, des sites pour organiser des descentes éclair en masse dans des lieux publics tel Tuangou – tout cela a désormais convaincu l’opinion publique mondiale du fait que les technologies numériques ne doivent leur succès qu’à l’envie de sociabilité et de contact de leurs usagers. C’est cette envie que nous nous devons d’étudier. Et je suis heureux de voirqu’aujourd’hui un nombre toujours croissant de collègues s’attachent à ces questions, en France comme ailleurs. Je cherche à rendre hommage à leur obstination face à tous ceux qui, au cours de ces dernières années, nous ont constamment demandé: «Au fait… qu’est-ce que la sociologie a à faire avec les ordinateurs?»

Enseigner avec le numérique, Rennes 2, conférence.

  • Date de réalisation : 20 Novembre 2012
    Durée du programme : 52 min
    Classification Dewey : Éducation, enseignement
  • Catégorie : Conférences
    Niveau : Formation continue
    Disciplines : TICE
    Collections : Apprendre avec le numérique
  • Auteur(s) : DEVAUCHELLE Bruno

    Lien vers la conférence.